mardi 7 juillet 2009

Marguerite Yourcenar - Sous bénéfice d'inventaire

Sous bénéfice d’inventaire a besoin, comme son nom l’indique, d’un tri, d’un inventaire puisque les essais qui le composent sont à ce point inégaux.

« Les visages de l’histoire dans l’histoire dans l’Histoire Auguste » est une trop rapide mais lisible introduction à un texte dont on soupçonne qu’il a beaucoup servit à l’auteur des mémoires d’Adrien. On y rencontre quelques anecdotes piquantes telles que la tour du suicide d’Elagabale (p.17) ou bien tournée telle celle sur la mort de Septime Sévère (p. 16).

Mais que faire de cette phrase : « et cependant, en dépit de sa médiocrité foncière, ou peut être à cause d’elle, l’Histoire Auguste est d’une lecture bouleversante ; elle nous passionne autant, et d’avantage parfois, que l’oeuvre d’historiens plus dignes de confiance et d’admiration. »
Elle est la clé de cette critique puisque l’oeuvre, qui est tant décrié tout au long de l’essai de même que ses auteurs, est pourtant tellement aimée. Mme Yourcenar tente bien de nous l’expliquer, mais on y comprend goutte : ou bien l’oeuvre est bouleversante, où bien elle est médiocre, mais que la médiocrité soit source de bouleversement me semble obscure, bien que cette faculté me pourrait être fort utile, car en n’étant qu’un artiste médiocre, je saurais néanmoins bouleverser.

Reste encore cet insupportable « sens de l’histoire » si présent dans ce texte qu’on se demande s’il a bien été écrit par cet auteur doublé d’historien que fut Mme Yourcenar. Deux exemples :

[Ces murailles] Immédiatement utile et finalement vaines, [...] annoncent le sac d’Alaric à la distance d’un peu plus d’un siècle. (p. 20)

Elagabale à néanmoins quelque peu avancé, et Aurélien si peu que ce soit reculé la chute de Rome. (p. 24).

Ou encore cette conclusion qui tombent comme un météore au milieu d’un champ de navet :

« les atrocités auxquelles nous avons assistés en plein XXème siècle nous ont appris à lire avec moins de scepticisme le récit des crimes d’empereurs de la Décadence ».

Si ce sont des effets de manches, ils tombent largement à plat. S’ils révèlent la pensée profonde de l’auteur, on pourra à nouveau se dire que les plus grandes oeuvres (dont fait partie les mémoires d’Adrien) peuvent être créer sur des fondements d’une très fausse philosophie.

Les tragiques d’Agrippa d’Aubigné est une introduction à cette poésie dont l’intérêt est vite limité par cette phrase hallucinante qui fait penser à la main qui tient le poignard plongé dans le coeur du suicidé : « le lecteur bouleversé par la sublimité de certains fragments, toujours les mêmes, qui figurent dans presque tous les recueils scolaires, s’aperçoit vite, s’il recourt à l’oeuvre tout entière, que les anthologistes ont fait preuve de goût dans leur choix et surtout dans leurs coupures ». En bref, pourquoi nous présenter le poème tout entier s’il en est ainsi ?
Ah mon beau château est le récit de Chenonceaux, un peu comme le « Si Versailles m’était conté » de l’histoire revue au travers d’un lieu exceptionnel. Intéressant seulement par sa peinture d’une époque et de ses femmes qui éclipsent ces hommes héritiers du trône : la flamboyante Diane de Poitier (et son amant royal Henri II), Catherine de Médicis (et son fils Henri III) et finalement Louise, la femme si compréhensive et aimante de ce dernier qui s’enferma dans ce palais et qui ne put jamais – tragique histoire - retrouver son mari, on dira : « son homme », dans la tombe. Jusque là intéressante, ce chapitre aurait dû s’arrêter là mais s’étend trop loin, pour atteindre notamment un Rousseau qui apparaît (comme toujours) déplacé dans cette peinture qui n’arrive pas d’avantage à le saisir.

Le cerveau noir de Piranèse introduit l’oeuvre d’un graveur méconnu à grand renfort de superlatifs au point que les originaux apparaissent décevant lorsque, le désir éveillé par la lecture, on en vient à les consulter.

Les trois derniers, essais, des critiques littéraires sont par contre à passer. Mme Yourcenar ne révèle rien ni ne peint de façon convaincante ses collègues auteurs et ferrait bien croire que le génie d’un écrivain s’arrête là où commence celui d’un autre.

Marguerite Yourcenar, Sous bénéfice d’inventaire, NRF Gallimard, 1978.

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